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Saucisses et glaces bienvenue à Stranzenhof

Bienvenue dans le dernier article de ces trois mois de labeur et de rencontres. Notre ultime ferme nous a permis de clore cette aventure en beauté. Entourés de lacs et de montagnes, nous avons travaillé pendant deux semaines dans une charmante ferme traditionnelle de la région de Salzbourg. Le beau temps étant enfin de retour, nous avons pu nous régaler de glaces au lait de brebis sous le soleil autrichien.

De la fac d’agriculture à la reprise de la ferme familiale

    Angelika Leitner-Eisl est née sur la ferme qui nous accueille. C'est une véritable histoire de famille : la ferme appartenait à ses parents, et avant eux, à ses grands-parents. Angelika a d'abord étudié l'agriculture à l'université de Vienne. Après avoir terminé ses études en 2010, elle décide de reprendre la ferme familiale. Cinq ans plus tard, son mari Ägidius la rejoint dans cette aventure. Elle résume ainsi : "J'ai 49 ans, un petit garçon et beaucoup de moutons."

 

    Angelika a deux sœurs. "À un moment, la question s'est posée de savoir quoi faire de la ferme." Sa sœur aînée a choisi de reprendre la ferme de son compagnon, tandis que sa sœur cadette, qui n'était pas intéressée par l'agriculture, a suivi un chemin différent. C'est ainsi qu'Angelika s'est retrouvée à reprendre l'exploitation familiale.

"Je me suis dit, bien sûr, pourquoi pas. Mais j'avais aussi beaucoup de questions sur mes capacités à reprendre cette ferme."

    Lorsqu’elle s’est installée, sa mère était déjà à la retraite, mais son père travaillait toujours sur la ferme. "Il pensait que sans un homme à la ferme, le travail ne pouvait pas être accompli." Elles ont donc beaucoup discuté ensemble, et il lui a finalement cédé la gestion de la ferme le 1er janvier 2010. "Je me sentais prête. J’avais eu le temps de voyager et de vivre de nombreuses expériences. Je savais que je ne pourrais plus m'offrir ce genre d'opportunités après mon installation." Pour compenser ce manque de mobilité, elle a donc décidé d'accueillir des étrangers sur sa ferme via la plateforme de woofing. "Les années où il y avait beaucoup de travail, nous avions jusqu'à 32 woofers."

    Au départ, elle a choisi de travailler comme ses parents le faisaient auparavant, afin de bien comprendre et de se sentir à l’aise sur la ferme. Il y avait 20 vaches laitières en production biologique. À cette époque, elle dépendait beaucoup de ses parents, qui apportaient leur aide sur la ferme, ce qui compliquait davantage le changement de système. "Depuis longtemps, j'avais le désir d'avoir de plus petits animaux. Pendant un moment, j'ai même envisagé le maraîchage, mais j'ai réalisé que ce n'était pas facile et pas vraiment adapté au territoire."

 

    "Le projet initial était de remplacer le système de vaches laitières par un petit élevage de chèvres laitières, avec transformation du lait en fromage sur place. "Il m'a fallu beaucoup de temps pour trouver le courage de me dire : oui, je me lance maintenant. J'avais toujours l'impression qu'en achetant des chèvres, mes parents cesseraient de travailler et que je ne pourrais pas continuer seule." En 2014, elle décide finalement de franchir le pas et d'acheter ses premières brebis laitières. Elle acquiert 15 agneaux au printemps 2014, car c'est le seul moment de l'année où cela est possible. "Ce n'est pas comme pour le grand marché des vaches ; si tu ne les achètes pas au printemps, tu ne pourras pas en avoir."

    Les réactions de son entourage lors de son installation n'ont pas été très encourageantes. "De nombreuses personnes sont venues me voir pour demander si je pouvais leur louer certaines terres ou leur vendre ma ferme. Ils n'arrivaient pas à concevoir qu'une femme seule, ayant fait des études, veuille reprendre l'exploitation familiale." Pour elle, une ferme ne peut pas être gérée seule, que ce soit par un homme ou une femme. "Il y a tellement de choses à faire dans une ferme. Ce n'est pas seulement s'occuper des animaux, il y a bien plus que cela."

 

    Toute la stabulation a dû être réorganisée pour accueillir les moutons. C'est à ce moment qu'Ägidius est intervenu pour aider à l'installation. "Il travaillait déjà avec des moutons depuis 30 ans, donc il me donnait toujours les meilleurs conseils." À partir de ce moment, Ägidius est resté, et ses parents ont accepté ses choix de gestion. La machine était lancée. "C'est assez excitant de démarrer une nouvelle activité. On ne sait pas comment ça va se passer ni si ça va fonctionner."

« Je ne reviendrai jamais en arrière sur le système que l’on a mis en place. »

    Angelika nous explique qu'ils ont eu beaucoup de chance dans le développement de leur activité. En effet, le frère d’Ägidius travaillait déjà avec du lait de brebis et avait besoin de nouveaux fournisseurs, car son entreprise de transformation était en pleine expansion. Ainsi, vendre leur lait de brebis bio n’a jamais posé de problème, et le prix est toujours resté stable.

Une gestion tip top :

« Nous sommes toujours en train de développer l’activité. »

    "Au départ, nous avions 15 moutons et, bien sûr, nous avons gardé toutes les femelles." Ils ont donc conservé toutes les agnelles les premières années et, de temps à autre, ont acheté des agnelles au frère d’Ägidius pour agrandir le troupeau plus rapidement. En 2015, lorsqu'ils ont vendu les dernières vaches, ils ont transformé la stabulation destinée aux vaches en une adaptée aux brebis. "Cela nous a permis de créer un espace qui nous semblait le plus pratique tout en économisant beaucoup d’argent." Les races présentes sur la ferme sont : le mouton de frise orientale, une race laitière allemande, et la race Lacaune, originaire de France. Ces deux races sont plutôt similaires.

    Après la construction de la stabulation, un autre grand projet a vu le jour : la création d'un séchoir à foin. "Pour avoir de bons animaux laitiers, il faut une nourriture de qualité." Ägidius venait d'une ferme où une partie de l'alimentation des brebis comprenait de l'ensilage, mais pour Angelika, le foin était la seule option envisageable. Le séchoir en grange était donc essentiel pour le bon fonctionnement de la ferme. La ventilation du foin permet de limiter le développement de moisissures. "Si tu veux travailler uniquement avec du foin, tu dois avoir un séchoir. Sinon, ça ne fonctionne pas." Ce dernier était alimenté par des panneaux solaires, et il était possible de gérer son activité à distance grâce à un système informatique.

    La gestion du foin est maintenant bien plus simple qu'auparavant. Grâce au séchoir en grange, ils ont une plus grande flexibilité et n'ont plus à se préoccuper des conditions météorologiques des jours suivants. Sans ce séchoir, ils devaient s'assurer d'avoir un temps clément pendant les trois jours suivant la coupe. "Avant, il nous fallait une journée entière pour accomplir le travail que nous réalisons aujourd'hui en une heure."

    "Depuis que nous avons adopté l'élevage de moutons, nous réalisons environ quatre coupes de foin par an." Il y a généralement cinq semaines entre chaque coupe, si la météo le permet. En général, la coupe commence vers mi-mai, selon le climat.

 

"Cette année, nous avons commencé fin avril. Grâce à notre séchoir en grange, nous sommes presque plus rapides que certaines fermes qui pratiquent l’ensilage."

    Les moutons commencent à sortir en mars ou en avril, selon la météo. Ils ne les mettent pas à l’herbe trop tôt pour éviter d'abîmer le sol. Au début, ils sortent seulement quelques heures par jour afin de permettre à leur système digestif de s'adapter. Ils restent dehors jusqu'à la fin de la pousse de l’herbe, environ jusqu'à novembre. Ils ne les laissent pas plus longtemps pour prévenir l'écrasement de l'herbe qui ne pousse plus et éviter qu'ils ne consomment trop de terre. Manger de la terre peut provoquer de mauvaises digestions chez les ovins et une absorption excessive de bactéries.

    La majorité de leur alimentation provient de leurs propres terres (17 ha). Depuis quelques années, ils louent également 6,5 ha de prairies à d'autres fermes biologiques. "Maintenant, nous avons suffisamment de ressources. Avant, nous devions toujours acheter du foin à l'extérieur au printemps." Actuellement, ils n'achètent que des céréales. "Nous utilisons principalement les céréales pour attirer les animaux, que ce soit pendant la traite ou lorsqu'il faut les ramener à l'intérieur." Ils en donnent le minimum nécessaire, mais ils constatent que cela constitue un bon complément pour la santé des bêtes.

    Pour mieux gérer l'alimentation, ils mesurent toutes les six semaines la quantité de lait produite par chaque brebis ainsi que sa teneur en nutriments, afin de prévenir d'éventuelles carences. De plus, pour surveiller la qualité du lait, ils envoient un échantillon à un laboratoire toutes les deux semaines. Leur seule possibilité d'ajuster la qualité du lait réside dans la quantité de céréales qu'ils donnent aux brebis, tandis que la qualité du foin reste constante et ne peut pas être modifiée.

 

    Pour ce qui est de la gestion de la laine, la race de brebis qu'ils élèvent doit être tondue deux fois par an. Un professionnel se charge de cette tâche. "Cela coûte plus cher que la valeur de la laine, mais c'est essentiel pour la santé des brebis."

 

    La gestion des naissances est synchronisée avec le frère d'Ägidius, ce qui permet d'assurer un approvisionnement constant en lait tout au long de l'année. Angelika et Ägidius profitent d'une pause en début d'année, lorsque les brebis sont taries. Après cette période de repos de 2 à 3 mois, les naissances reprennent. "C'est un rythme différent ; nous sommes présents jour et nuit pour veiller à ce que tout se déroule bien et que les brebis ne manquent de rien." En hiver, ils comptent environ 120 moutons adultes et 40 à 50 jeunes agneaux. Si la période de mise bas se déroule bien, ils enregistrent entre 1060 et 1070 naissances, avec une moyenne de deux agneaux par brebis. "Les plus jeunes, qui mettent bas pour la première fois, ont généralement un seul agneau, tandis que les plus âgées peuvent en avoir jusqu’à quatre."

    La reproduction se fait par monte naturelle, et les boucs sont alternés entre leur ferme et celle du frère d'Ägidius. "Les avoir sur la ferme demande une organisation particulière. C'est à la fois risqué et exigeant en termes de travail." En effet, les boucs doivent être logés dans un espace séparé dans la stabulation, nourris à part, et il faut être vigilant car ils peuvent se montrer agressifs. "En hiver, ils restent avec nous, puis ils retournent ensuite à la ferme du frère d'Ägidius."

"Pour avoir grandi avec des vaches, je peux dire que je suis contente que mes brebis soient saisonnées" (elles ne peuvent pas être gestantes toute l’année).

    Lorsque tu vends ton lait de brebis à une grande compagnie laitière, tu gagnes plus d'argent si ton pic de production se situe en hiver. "C'est pourquoi il est avantageux de synchroniser la reproduction des animaux. Cela évite de produire tout ton lait en mai, en même temps que tout le monde." Cependant, comme ils vendent leur lait toute l'année au frère d'Ägidius, cette problématique ne les concerne pas.

 

    La traite des brebis a lieu deux fois par jour à la ferme : le matin à 6h et l'après-midi à 16h30, ce qui leur permet de libérer du temps pour leurs soirées. "Cela nous évite de travailler jusqu’à 20h, voire plus tard." En fin de lactation, lorsque la production de lait diminue considérablement, ils réduisent la cadence à une seule traite par jour.

 

    La gestion vétérinaire des moutons est assez complexe. "Quand tu remarques qu’un mouton est malade, il est souvent déjà trop tard pour intervenir." Par exemple, lorsqu’un problème apparaît au niveau des mamelles des brebis, il est crucial d’agir rapidement avec des antibiotiques pour éviter une mort qui peut survenir en quelques heures. "Il arrive qu'entre la traite du matin et celle du soir, l’état de la brebis se dégrade drastiquement : le matin, tout va bien, et le soir, elle est si affaiblie qu’elle ne peut plus se lever." Les parasites posent également un problème majeur, car les solutions médicales sont limitées. Il est essentiel de surveiller attentivement les agneaux, notamment en observant leurs yeux. "Si les yeux deviennent de plus en plus pâles (ce qui indique un manque de sang) ou si la digestion est mauvaise, il faut intervenir rapidement." Angelika souligne la difficulté de trouver des traitements auxquels les moutons ne sont pas déjà résistants. Parfois, ils choisissent de ne pas les traiter, sachant qu’ils peuvent survivre au parasite, ce qui les rend plus résistants aux conditions de vie en extérieur.

    Nous avons été impressionnées par la gestion de cette ferme, rarement voit-on une organisation aussi bien pensée. Leur système fonctionne très bien. Certes, collaborer avec le frère d'Ägidius simplifie la commercialisation, mais leur méthode de travail demeure très efficace, garantissant ainsi un lait de qualité exceptionnelle. Si vous passez en l’Autriche, n’hésitez pas à leur rendre visite, ils sont toujours ravis d’accueillir des woofers pour donner un coup de pouce !

 

    Vous pourrez découvrir tous les aspects plus techniques de l'agriculture biologique en Autriche dans le documentaire.

 

    Vous voilà arrivé au terme de notre dernier article. Nous espérons que cette série vous a plu et qu'elle vous a permis d'enrichir vos connaissances. Nous vous donnons rendez-vous très bientôt pour le visionnage du documentaire.

 

La bizzzzz des nonos !

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